LE CERCLE DES POETES

     
    Le Papé.

     Il se tenait assis tout au bout de la table
    Et nous impatientait souvent par sa lenteur.
    On le voyait si vieux, si courbé, pitoyable,
    Que l’amour peut à peu cédait à la rancœur.
    Je le suivais partout ! c’était là, dans ma tête !
    Il me suivait des yeux lorsque je travaillais,
    Proposait de m’aider, maladroit, l’air tout bête !
    Il gênait nos projets, notre vie, le papé !
    Au bout de quelques temps, prétextant les vacances,
    Je le menais plus haut, au flanc du Luberon
    « Tu seras bien là-bas. Tu verras la Durance
    Du haut de la terrasse de la grande maison.
    Ces maisons-là, papé, sont faites pour les vieux.
    Regarde comme ils semblent bien, ils ont l’air très heureux ! »
    « Comme tu veux, petite, si c’est pour ton bien-être.
    Monte de temps en temps, le dimanche peut être ? »
    Je l’ai laissé tout seul, vivement, pas très fière.
    L’air était encore chaud, pourtant je frissonnais,
    Et le chant des oiseaux voletant sur le lierre
    Me disait doucement : « Qu’as-tu fait du papé ? »
    Les jours se succédaient, je cherchais la quiétude
    Le travail me prenait, j’essayais d’oublier,
    De noyer mes regrets au fil des habitudes,
    Les souvenirs d’antan rappelaient le papé.
    Même dans le mistral qui rasait la garrigue
    Pour venir s’écraser au butoir de la digue
    J’entendais cette voix qui ne cessait jamais
    De dire à mon oreille : « qu’as-tu fait du papé ? »
    Chaque brin de lavande, de thym, de romarin,
    Me reprochait sans fin l’absence de l’aïeul.
    Le murmure des sources dans le petit matin
    Chantait sur mon cœur lourd des cantiques de deuil.
    Le remord lentement s’installait dans ma vie.
    Je revenais m’asseoir ou il s’était assis,
    Sur le banc de vieux bois, près du puits, sous le chêne,
    Et je laissais errer mes pensées sur la plaine.
    Alors, je l’ai revu, avant, lorsqu’il marchait
    Jusqu ‘au seuil de l’école, pour venir me chercher.
    Je sautais dans ses bras, je l’embrassais, tout doux,
    Et nichais tendrement ma tête sur son cou.
    Il me portait un peu, puis, ma main dans sa main,
    Il ajustait son pas pour bien suivre le mien.
    Il m’expliquait les bois, les cabris, les moutons,
    Les abeilles dorées et les beaux papillons.
    Il cueillait aux buissons des réserves de mûres
    Et m’offrait les plus grosses comme un présent de choix.
    Il riait bruyamment en voyant ma figure
    Barbouillée des reliefs de ce festin de roi.
    Le soir près de mon lit, il venait me bercer
    De chansons provençales, d’histoires de bergers.
    Je m’endormais heureuse de sa chaude présence,
    Pleine de rêverie, d’amour, de confiance.
    Au long des souvenirs, mon cœur plein de pitié
    A trouvé le repos. J’ai repris le sentier
    Pour revenir tout droit à la grande maison.
    Retrouver le papé, lui demander pardon.
    J’ai pris tout simplement sa main, sans rien lui dire.
    Une larme brillait au milieu du sourire.
    Et c’est moi, cette fois, tout au long du chemin
    Qui ajustais mon pas, pour bien suivre le sien.
    Un papé c’est précieux, c’est tant de souvenirs !
    Si vous en avez un, jusqu’au bout de vos jours,
    Gardez-le près de vous. Quand il devra mourir,
    Vous fermerez ses yeux dans un geste d’amour.
    Aujourd’hui, par hasard, si le chant des cigales
    Me pose la question tant de fois redoutée,
    Je peux, le cœur tranquille, en digne Provençale
    Répondre fièrement : « il est là, le papé »

 Yolande Vercasson

  

 G R AIME… !

  

 Un tantinet boy scout, un rien militaire,
La crête est son crédo, voir même son obsession
Les souffrances à la pente très souvent interférent
Ouvrant des états d’âmes à la motivation.

 Mais que l’on ne s’y trompe pas
La joie exulte toujours… après la conquête !
Oubliés les calvaires et tous  leurs aléas
L’intérêt vient des sacs, juste pour une autre fête â€¦

 L’euphorie grandit vite… irrésonnablement !
Spécialités, gâteries et autres spiritueux,
Sont exhumés des sacs avec moult ménagements
Les langues se délient, le verbe devient pâteux.

 Amitiés très sincères, parfois un peu volages,
Le GRM exulte dans toutes ses profondeurs.
L’orgasme est justifié après tant de partage.
La communion aussi… et même ses «  bras d’honneurs Â»

 Les guides sont solides, tous rompus à la cause
Le bastringue magnifique, sans doute irréprochable,
Un président génial bien rodé à la chose,
La critique obligée, mais l’homme irremplaçable.

 Longue vie encore à l’organisation
Empreinte d’optimisme et d’immortalité
Les années s’égrainent sans grande jubilation
Mais la hausse bien réglée sur les plus hauts sommets

 

 R. A.

     
    LE BONHEUR

     
    Capricieux, effronté â€¦ ils m’affublent d’adjectifs
    Mais les gens ont du mal à bien m’appréhender
    Tenter me décrypter reste très subjectif
    Puisque mon évaluation  toujours controversée. 

    Les uns prétendent vraiment pouvoir me contenir
    M’apprivoiser très vite et, quel qu’en soit le temps
    D’autres me cherchent sans cesse, ou dans leurs souvenirs
    Moi qui n’ai pas d’odeur et la couleur du vent

     Pourtant aucune façon, ni mode spécialisé
    Ne suffirait jamais à mon conditionnement
    Le subconscient de l’âme, mon domaine réservé
    J’y règne sans partage depuis la nuit des temps

    Suis-je petit bonheur, lorsque d’adversité régresse,
    Ou quand le corps exulte à la moindre occasion
    Peut-on prendre l’euphorie pour la douce allégresse
    Tout est vu d’esprit et accommodation.

    Tôt je m’immisce dans les petites têtes bien faites
    Façonnées patiemment par d’attentives mamans
    Au détriment des pleines, dans un certain contexte
    Pressées par un gavage, bien moralement parlant.

     Je déménage toujours  dans un bruit de tonnerre,
    Ignoré jusque là, même au dernier moment,
    On me découvre,  on m’aime, on m’évalue  très cher
    Mais je passe mon chemin inexorablement

     R. A.

 

     SAINTE  VICTOIRE â€¦ BELLE  ET REBELLE !

     

    Montagne caméléon aux mille ombres et lumières
    Le Mistral et l’Autan ont sculpté  ton esquisse
    La tectonique aussi, jusqu’au cœur de la pierre
    Dans ce décor blanchi par tant de précipices

     

    Chevalet planté franc, CEZANNE avait osé, 
    A l’immortalité du bout de ses pinceaux !
    Le site paradisiaque si vite impressionné,
    Que la gouache  du maitre subjugua le badaud
     

    Massif providentiel aux senteurs exaltées,
    ROQUES HAUTES, ANTONIN sont là tes références,
    Pour randonneurs joyeux vers le plus haut sommet.
    Un rien de volonté, beaucoup  d’accoutumance.
     

    Tous tes sentiers muletiers mènent bien  à la chapelle
    Vers l’ostensible croix noire et même au pic des mouches
    Un paysage chargé comme d’intenses aquarelles,
    Confirmant  l’éternel à l’une de ses touches.
     

    Ici l’art folâtre n’est que pur calcaire
    Un Mistral déchainé joue  fifre et tambourin,
    Il force le bleu du ciel au joyau éphémère
    Et le ciste violet… des fleurs de romarin.
     

    Les couleurs s’entremêlent  au rythme des journées
    En  un caléidoscope de myriades infinies,
    La luminosité d’un soir : une autre sublimité
    Qui interpelle les adeptes et autres affranchis   
     

R. A.

     

    RACINE revisité

     

    Elle Je vous cherchais, Seigneur, pour savoir de vous-même
    Si je puis dire encor que le Président m’aime
    Ou si, pour mon malheur, il faut que je m’inquiète
    Du bruit qu’on voit fleurir dans toutes les gazettes.

    Lui Ah ! Madame, il est vrai que la Cour tout entière
     Bruit d’une étrange affaire et d’un homme en scooter
     Qui, nuitamment, dit-on, se rendrait en cachette
     En des lieux clandestins courir une amourette
     Et rencontrer là-bas une jeune personne
     Trop sensible aux attraits qu’apporte la couronne.
     Mais cet homme casqué, dont on ignore tout,
     Ce n’est pas moi, Madame, il s’en faut de beaucoup.

     Elle Je voudrais bien pouvoir vous croire en cette affaire,
     Mais ce n’est pas, Seigneur, ce qu’on lit dans Closer.
     On vous a vu souvent avec votre conquête.
     Pour le dire en un mot, vous sautez la Gayette.

     Lui Madame, c’en est trop, je ne permettrai pas
     Qu’on moque ainsi le trône et je vais de ce pas…

     Elle Ah, cruel, il suffit. Je te comprends trop bien.
     Du mariage toujours tu repoussais les liens.
     Perfide, tu savais qu’en ne m’épousant pas
     Tu pourrais profiter de plus jeunes appas.
     Toujours insatisfait, errant de femme en femme,
     Tu viens de me montrer la noirceur de ton âme.
     Tu t’es lassé de moi comme de Ségolène,
     Mais attention, François, je te le dis sans haine,
     Il se pourrait qu’un jour, tes femmes réunies,
     Ségolène avec moi, et peut-être Julie,
     Dans un moment de blues ou bien de bravitude,
     Révélant au grand jour toutes tes turpitudes,
     Fassent enfin savoir pour la première fois
     Quel monstre se cachait sous la fraise des bois.

Ne pas diffuser !

 

     
    LE BONHEUR

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